Le Timor oriental, une petite île, une grande histoire de café
Le Timor oriental est un petit pays assez méconnu d’Asie du Sud-Est. L’île de Timor est partagée entre le Timor occidental, principauté indonésienne, et le Timor oriental, pays indépendant depuis 2002. Il est aussi appelé Timor-Leste par certain.
Ancienne colonie portugaise, elle est devenue territoire indonésien en 1975 pour n’être reconnue comme pays indépendant qu’en 2002 à la suite d’un référendum d’autodétermination de l’ONU.
Le café est l’un des principaux produits d’exportation du pays.
Le café fut introduit dans cette région du Monde vers 1690 par le Gouverneur-Général Hollandais Van Hoorne (à ne pas confondre avec notre torréfacteur préféré Van Hoos & Sons !) à Batavia (ville plus connue sous le nom de … Jakarta).
Dans les années qui suivent, la culture caféière se développe de Java pour atteindre la côte occidentale de Sumatra, en pays Minangkabau, et dans le nord des Célèbes, en pays Minahasa, dans le cadre du cultuurstelsel (système de culture obligatoire) imposé par le Gouverneur J. Van den Bosch.
Les différentes guerres du XIXe siècle qui ont sévi dans la région – guerres de l’opium (1840-1942 1856-1860) et la guerre des Taiping (1851-1864) – prive le Timor de son commerce principal du bois de santal. La caféiculture prend ainsi le relais sur l’île pour devenir le coeur du Timor.
Dans la partie orientale du Timor, l’essor de la caféiculture est à la fois très progressif et très tardif. Si les premiers plants de cafés apparaissent vers 1815 sous l’impulsion du Gouverneur José Pinto Alcoforado, on pourrait plutôt considérer 1861 comme année clé. Alfred Russel Wallace, naturaliste, anthropologue et botaniste britannique – codécouvreur de la Théorie de l’évolution par sélection naturelle avec Charles Darwin – dira lors de sa visite sur l’île :
« De mille à deux mille mètres d’altitude, le café se plairait et il existe des centaines de milles carrés où il serait possible de développer des productions dont les exigences climatiques sont comprises entre celles du café et du blé, mais aucune tentative pour construire la moindre route ou planter le moindre acre n’a encore été effectuée. »
Il précise cependant la grande qualité de la petite production caféière déjà existante : « La petite quantité de café actuellement en culture est de très grande qualité et pourrait, dans une certaine mesure, augmenter ».
C’est à partir des années 1860 que la culture caféière commence à s’étendre. Le nouveau Gouverneur Affonso de Castro, instauré en 1858 rend obligatoire la culture d’un minimum de plants de caféiers dans chaque chefferie (micro-Etats indigènes)
« Le Gouverneur a la conviction intime que les Timoriens ne travailleront que par la force il a donc fondé son système sur la contrainte, en adoptant le plan suivant : parmi les royaumes, obéissant à l’autorité Portugaise, il a choisi ceux qui lui semblaient les plus propres à la culture du café, et il a envoyé aux rois de ces états l’ordre de préparer, chacun dans son domaine, une grande étendue de terrain, pour en faire une plantation de cafétiers ces rois seront obligés de rendre ces terrains au gouvernement à des prix déterminés. »
Le café devient rapidement le premier poste d’exportation de la colonie en valeur. De 10 tonnes exportées en 1858, on passe à 148 tonnes en 1865 !
Le paysage caféicole actuel se dessine au tournant du siècle sous l’impulsion vigoureuse des autorités coloniales, mais aussi, et de manière paradoxale, sur fond de calamité agricole.
L’essor de cette économie caféicole ne se fit pas sans accrochage: en 1868-1869, les chefferies de Cova et de Cotobada se soulèvent contre le pouvoir colonial qui développe l’économie de plantation sur les meilleures terres au détriment des cultures vivrières.
A la suite d’épidémies de rouilles et de champignons attaquant les plants de cafés, un hybride
de type arabusta est créé en 1917: l’Hybrida da Timor. Aujourd’hui, cet Hybride de Timor, cultivé au-dessus de 700 m, est plus communément appelé arabica. Il représente 80 % du café de Timor-Oriental.
La fin de la colonisation portugaise, l’arrivée indonésienne
Un programme de développement de la culture du café est lancé en En 1950 par le gouvernement portugais. La Brigada de Timor, une équipe de recherche, rattachée à la Missão de Estudos Agronómicos do Ultramar (Mission pour la Recherche Agronomique Outre-Mer) basée à Lisbonne, est constituée pour réaliser diverses enquêtes et élaborer de nouveaux systèmes de culture. C’est à cette époque que le travail forcé est aboli. 20 % des exportations sont dorénavant assurés par des planteurs portugais ou métis et 25 % par la SAPT.
L’invasion indonésienne de 1975 modifie la géographie caféière. De nouvelles régions sont cultivées et les structures de la production sont bouleversées. Les conglomérats indonésiens, notamment PT Batara Indra Grup prennent le contrôle de l’économie du Timor-Oriental.
Les généraux indonésiens prennent ainsi le contrôle des terres à travers des filiales de PT Batara Indra Grup, et instaurent un monopole des transactions aux petits planteurs villageois.
L’importance paradoxale de l’économie caféière
Le Timor Oriental doit beaucoup à l’économie du café depuis la fin du XIXe siècle. Plus de la moitié des exportations du pays sont liées au café. De plus, la culture caféière fait vivre les habitants, elle occupe à peu près 40 000 familles. Il faut aussi ajouter à cela tous les emplois générés par les activités de transport, de traitement, de conditionnement et de commercialisation.
On ne connaît pas avec exactitude les chiffres de production actuels, mais on estime une production annuelle de 10 000 tonnes de café vert.
La Cooperativa Café Timor (CCT) a été fondée en 2000 dans le cadre du Timor Economic Rehabilitation and Development Project (TERADP), par un organisme américain, la NCBA (National Cooperative Business Association), grâce à un financement de l’US-AID. Elle fait suite à la PUSKUD, une coopérative également fondée en partenariat avec la NCBA en 1995, à l’époque de l’occupation indonésienne, ayant pour objectif le développement des cafés « organiques », cultivés selon des techniques traditionnelles, sans recours ni aux pesticides, ni aux engrais minéraux.
Depuis l’indépendance du pays en 2002, la CCT est la seule entreprise à traiter les cerises par voie humide.
Elle joue également un rôle social très important. Elle a créé des productions caféières « pilotes » dans différentes régions pour tester de nouvelles méthodes de production et améliorer la qualité du café timorais. De plus, elle a ouvert plusieurs dispensaires dans tout le pays, en plus des dispensaires mobiles. L’éducation est aussi un aspect important pour la CCT avec l’ouverture d’une école à Dili, la capitale du pays.
Une économie de cueillette
La production de café du Timor Oriental est aujourd’hui entièrement assurée par des petits producteurs indépendants. Les grandes plantations de l’époque coloniale ont totalement disparues.
Les plants d’arabica n’apparaissent à Timor qu’à partir de 850-900 m. les caféiers poussent à l’ombre de grands arbres de couverture.
Les plantations sont réparties en petites productions, à 48% inférieures à 2 hectares. Cette économie de cueillette explique le passage par des coopératives pour pouvoir se procurer du café.
L’île est la plus orientale de l’Asie du Sud-Est maritime et relativement peu connue dans le monde du Speciaty Coffee. Mais cela devrait rapidement changer !
Nous avons pu nous procurer du café issu de la coopérative de Letefoho, et nous sommes surpris de ses arômes si délicats de miel, de litchi et de sa rondeur en bouche.
Un café à essayer!
Source : les cahiers d’outre mer, 2006, n°233, Presses universitaires de Bordeaux