Une production caféière rwandaise exemplaire sur bien des plans
Après avoir exploré le café en Afrique de l‘Ouest via la Côte d’Ivoire et le Cameroun, il nous est apparu intéressant de nous focaliser sur les espaces plus méconnus d’Afrique de l’Est où les seuls cafés dont on entend les louanges sont pour la plupart éthiopiens ou kenyans. Ces pays ont en effet su maîtriser à la perfection le développement sur les marchés internationaux et l’exportation du meilleur de leur production. Cela signifie t-il que les autres soient en reste ? Rien n’est moins sûr…
D’autres pays prennent le relais et apparaissent s’inspirer avec succès des initiatives de leurs voisins. Ainsi le Rwanda est de plus en plus devenu le pays à la production « qui monte ». De nombreux projets ont contribué à une augmentation impressionnante en termes de qualité du café produit, ce qui a fait augmenter les prix payés aux producteurs. Par un effet d’émulation bénéfique, le Burundi, l’Ouganda ou la Tanzanie ont lancé des initiatives similaires. Ainsi des experts au Rwanda ont lancé un programme conjoint de R& D allié à un processus de marketing. Il s’agit de découvrir un café « de niche » et d’en faire la marque du pays. Ceci nécessite un travail titanesque en ce qu’il implique la coopération d’acteurs transversaux, que ce soient les agriculteurs, les goûteurs, les transporteurs ou les opérateurs marketing.
L’expertise agronome revisitée
C’est au niveau de la production que les « rendements d’échelle » sont les meilleurs. Il suffit en effet d’améliorer relativement peu l’équipement pour aboutir tout de suite à un rendement très supérieur. Peu de moyens supplémentaires pour beaucoup d’effets.
Cependant, tout n’a pas toujours été aisé. Les processus de production, traditionnels et transmis via la lignée familiale n’ont pas été faciles à changer et il a été difficile de faire prévaloir l’avis d’un expert sur la culture ancestrale. Pour contrer les réticences, l’idée a été de contraster les résultats des fermiers ayant suivi les prescriptions d’amélioration de ceux s’y étant refusé. Un exemple de cette politique est celle de la Coopérative Kanyowu en Tanzanie, qui compte plus de 5000 membres ce qui rend compliqué pour des agronomes extérieurs d’aller voir chaque producteur un par un. La coopérative, avec l’aide des importateurs a donc formé elle même ses propres agronomes qui organisent des séminaires de formation et se rendent dans les fermes des adhérents de la coopérative. On a assisté par la suite à une dissémination par effet de mimétisme des nouvelles techniques. La coopérative a également récemment couplé cette politique avec un système incitatif où les fermes qui livrent le plus de cerises mûres de qualité sont récompensées par une livraison de pesticides plus importante l’année suivante.
Des goûteurs au palais affiné
Après cette première étape, on aboutit à un café de meilleure qualité seulement pour pouvoir le placer sur les marchés, il faut préalablement distinguer les cafés bons mais « banals » de ceux qui valent réellement le détour, et pour cela rien ne vaut des « cuppers » extrêmement bien formés aux techniques les plus innovantes. Il y a une dizaine d’années, ces évaluations prenaient la forme d’un tel classement : « en dessous de la normale », « bon pour le commerce », « café de terroir » selon qu’ils contenaient plus ou moins de défaut. Ils sont désormais passés à une évaluation beaucoup plus positive qui retient les critères qualitatifs sensoriels du café. Cette évolution a été rendue possible par des apports d’institutions du monde entier et notamment par le fameux Coffee Quality Institute qui a appris aux « évaluateurs » à distinguer les saveurs banales de celles qui feraient fureur sur le marché.
Une traçabilité améliorée
Etre capable de pouvoir dire d’où un café vient exactement est ce qui lui permet d’exister sur le marché mondial. Sans traçabilité, il n’est rien. Le deuxième point est que grâce aux techniques d’évaluation, l’agriculteur peut savoir exactement en quoi son café est savoureux ou ne l’est pas et persister dans la même ligne de production en conséquence ou au contraire être incité à changer son processus pour améliorer la qualité de sa production.
Vers une meilleure exposition mondiale
Le Rwanda s’est particulièrement appuyé sur les succès individuels de ses producteurs pour exporter son café. A qui cela ne plait-il pas d’entendre l’histoire du pauvre paysan issu d’une longue lignée de paysans, et ne possédant qu’un bout de terre pour survivre, mais qui à force de dur labeur réussit à produire un café au goût exquis ?
Certes tout cela est bien romancé, mais c’est bien sur les individus que s’est appuyée l’industrie du café rwandais pour rendre possible l’émergence de son café. En vantant les mérites de certains producteurs tout en ayant grandement amélioré la qualité de son café, le pays a su gagner en quelques années une exposition mondiale sur le marché et de quoi faire valoir sa voix.
Si ses voisins, comme je crois qu’ils vont y réussir, appliquent les mêmes techniques, on peut d’ores et déjà annoncer que les prochaines stars du café sont en train de naître…